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La Prérogative Contractuelle: Analyse du Droit des Contrats et de la Bonne Foi - Prof. ESS, Notas de estudo de Processo Penal

Ce document présente une thèse universitaire approfondie sur la prérogative contractuelle en droit français. L'auteur explore les concepts de bonne foi, d'unilatéralisme et d'adaptation du contrat dans le contexte de l'exécution des obligations contractuelles. Il analyse les fondements historiques et théoriques de la prérogative contractuelle, en examinant son évolution depuis l'ère monarchique jusqu'à l'ère moderne.

Tipologia: Notas de estudo

2024

Compartilhado em 02/10/2024

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La prérogative contractuelle ne cesse dintriguer. La consécration de
cette notion par la Cour de cassation dans son arrêt Les Maréchaux a soulevé
nombre dinterrogations dont peu avaient trouvé de réponses jusqualors. Les
juges de la chambre commerciale ont énonque «si la règle selon laquelle
les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanc-
tionner lusage déloyal dune prérogative contractuelle, elle ne lautorise pas
à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement
convenus entre les parties». Cette affirmation, réitérée à maintes reprises,
a laissé les commentateurs perplexes. Faudrait-il déduire de cette formule
mystérieuse une distinction notionnelle ou une règle de régime? La préroga-
tive contractuelle pourrait-elle être lanalogue de la prérogative de puissance
publique? La multiplication des expressions de lunilatéralisme contractuel
permet-elle même une unité? Pourrait-on, alors, les rattacher à une fonction
singulière rendant pertinent ce vocable unique? Létude de la prérogative
contractuelle a mis au jour un pan entier du droit des contrats, révélant que
l’ar rêt Les Maréchaux nétait que larbre cachant la forêt. Le constat dune
multitude de droits permettant dimposer une décision dans le contrat renou-
velle la vision du rapport entre les contractants. Cette thèse propose ainsi
une théorie générale de la prérogative contractuelle, destinée à approfondir
la compréhension doctrinale du contrat contemporain.
9782275 108452 ISBN 978-2-275-10845-2
www.lgdj-editions.fr
Prix : 70
LÉA
MOLINA
TOME
619
LA PRÉROGATIVE CONTRACTUELLE
Directeur honoraire
Jacques Ghestin
Professeur émérite
de l’Université Paris1
Panthéon-Sorbonne
Directeur honoraire
Jacques Ghestin
Professeur émérite
de l’Université Paris1
Panthéon-Sorbonne
Dirigée par
Guillaume Wicker
Professeur
à l’Université
de Bordeaux
Dirigée par
Guillaume Wicker
Professeur
à l’Université
de Bordeaux
BIBLIOTHÈQUE
DE DROIT
PRIVÉ
TOME 619
BIBLIOTHÈQUE
DE DROIT
PRIVÉ
TOME 619
LA PRÉROGATIVE
CONTRACTUELLE
Léa Molina
Préface de
Laurent Aynès
Prix de thèse de la Revue des contrats
Prix de thèse André Isoré de la Chancellerie des universités de Paris
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Directeur honoraire

Jacques Ghestin

Professeur émérite

de l’Université Paris 1

Panthéon-Sorbonne

Dirigée par

Guillaume Wicker

Professeur

à l’Université

de Bordeaux

BIBLIOTHÈQUE

DE DROIT

PRIVÉ

TOME 619

LA PRÉROGATIVE

CONTRACTUELLE

Léa Molina

Préface de

Laurent Aynès

Prix de thèse de la Revue des contrats Prix de thèse André Isoré de la Chancellerie des universités de Paris

© 2022, LGDJ, Lextenso

1, Parvis de La Défense

92 044 Paris La Défense Cedex

www.lgdj-editions.fr

ISBN : 978-2-275-10845-2 ISSN : 0520-

Thèse retenue par le Comité de sélection de la Bibliothèque de droit privé

présidé par Guillaume Wicker et composé de :

Mireille Bacache Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Dominique Bureau Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas

Cécile Chainais Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas

Dominique Fenouillet Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas

Laurence Idot Professeur émérite de l’Université Paris II Panthéon-Assas

Thierry Revet Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Pierre Sirinelli Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

RemeRciements

À mon Directeur de thèse, Monsieur Laurent Aynès, qui m’a fait bénéficier

de sa connaissance encyclopédique du droit, de son expérience, de son temps, de

sa finesse d’esprit et de sa franchise. Je sais ma chance, qu’il sache ma gratitude.

À mes amis du Panthéon, Patrick, Thomas, Antoine, Frédéric, Julia, Maxime,

Étienne, Benoît, Rémi, Garance, Scarlett et les autres, grâce auxquels j’ai tant

appris et tant ri. Tous m’ont apporté une aide précieuse. Que Garance Cattalano

et Scarlett-May Ferrié trouvent ici l’expression de ma profonde reconnaissance

pour leurs relectures, leurs conseils, leur soutien et leur générosité.

À Marion Beaufils, dont la curiosité et l’amitié ont fait de nos échanges une

discussion ininterrompue depuis tant d’années qui a, sans nul doute, influencé ce

travail.

À Margaux Griffon et Emma Karam-Leder dont la rigueur des corrections

est à la hauteur de l’affection que je leur porte.

À mes parents qui m’ont transmis le goût de l’enseignement et appris, entre

bien d’autres choses, qu’écrire est la meilleure « façon de parler sans être

interrompu »^1.

À Jean, surtout, pour avoir rendu ces six années de thèse heureuses.

  1. Jules Renard, Journal.

X LA PRÉROGATIVE CONTRACTUELLE

essentiellement, d’une indétermination, variable en fonction de l’emprise sur

l’avenir qu’il entend réaliser : contrat instantané ou successif, de courte ou de

longue durée, contrat translatif ou contrat-alliance… Cette incertitude ne met

pas en cause la force obligatoire, contrairement à ce que l’on a longtemps cru,

dans le sillage de l’arrêt Canal de Craponne. Elle avoue seulement que l’homme

n’est pas tout-puissant, quoi qu’en dise la loi. Affronté à la réalité des circons-

tances, le sort de la promesse pourrait être abandonné à un juge ou un arbitre.

Dans un monde civilisé, on peut aussi le confier – du terme « confiance » – à

chacune des parties. C’est ici qu’apparaît la prérogative contractuelle, en contre-

point des droits et obligations librement convenus, pour reprendre les termes

de l’arrêt Les Maréchaux.

L’exercice d’un pouvoir, par essence unilatérale, dans le cours de l’exécution

du contrat est un phénomène connu et étudié depuis une cinquantaine d’années.

Il a d’abord été accueilli avec méfiance, comme une manifestation de l’arbitraire,

une brèche dans le régime contractuel, tolérable mais dans de strictes limites. Puis

avec la généralisation jurisprudentielle – réaliste donc – de la rupture unilatérale,

le caractère exceptionnel de l’unilatéral s’atténue, jusqu’à devenir ordinaire avec

la fixation unilatérale du prix. La réforme du Code civil l’accueille largement.

Il restait à en faire une théorie générale, dégagée de tout dogmatisme. C’est

là l’œuvre de Léa Molina.

Suivant une méthode éprouvée de la science juridique, la mise en évidence

de la notion précède l’exposé de son régime. Il fallait expliquer pourquoi la pré-

rogative juridique est non seulement compatible avec le contrat, mais encore

indispensable à celui-ci. Ce qui impliquait de repérer, au milieu des nombreuses

manifestations de l’unilatéralisme, celles qui sont l’exercice d’un droit au service

de la finalité du contrat. Cet exercice de classement, puis de regroupement et de

sélection, pour parvenir à l’unité d’une catégorie juridique, est mené avec l’humi-

lité du chercheur qui se laisse enseigner par la réalité. On parvient ainsi à une

définition unitaire de la prérogative : le pouvoir de décider une modification du

contrat – le lien lui-même ou son contenu – qui s’impose à l’autre partie. C’est

un droit subjectif appartenant à la catégorie des droits potestatifs, dont la légiti-

mité repose sur un principe d’adaptation du contrat, qu’impose à la force de la

promesse l’étirement du contrat dans le temps. Comme celle d’un pont, la longue

portée du contrat appelle la souplesse ; à défaut le contrat risque la stérilité, le

pont se brise. Naturellement, cette potestas est légitime pour autant qu’elle n’élude

pas l’engagement initial (prohibition de la condition potestative) et n’est pas un

instrument d’exploitation de l’assujetti (contrat d’adhésion).

Quant au régime de la prérogative contractuelle, l’obligation d’exécuter le

contrat de bonne foi y trouve son déploiement naturel, mais une bonne foi dont

la source et la mesure sont la prévisibilité que sert la promesse ; de là les exigences

de motivation et de préavis. Viennent enfin les conséquences de l’exercice irrégu-

lier d’une prérogative contractuelle, où la nullité joue le rôle d’un remède ultime.

Léa Molina offre un instrument d’analyse et de maîtrise précieux qui marque,

de l’avis unanime des membres du jury, une étape décisive dans la compréhension

de l’unilatéralisme dans le contrat. Elle nous débarrasse de l’idée naguère si

commune qu’unilatéral signifie arbitraire. Son parti est celui de la confiance, une

PRÉFACE (^) XI

confiance raisonnée et raisonnable, à rebours de la méfiance envers l’unilatéral

qui inspire tant de commentaires.

Une bonne thèse est le chef-d’œuvre d’un compagnon : il montre le savoir-faire

de son auteur et lui permet d’être qualifié de docteur. Une grande thèse est un

ouvrage qui, s’appuyant sur l’état de la recherche, fait avancer la science juridique,

pour le bonheur des juristes, mais surtout dans l’intérêt des usagers du droit.

La thèse de Léa Molina est l’une et l’autre.

Laurent Aynès Professeur émérite de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Liste des PRinciPaLes abRéviations

Adde Ajouter

AJ Contrat Actualité juridique du contrat

AJDI Actualité juridique droit immobilier

Al. Alinéa

Arch. philo. dr. Archives de philosophie du droit

Ass. Plén. Assemblée Plénière

BGB Bürgerlicher Gesetzbuch (Code civil allemand)

BRDA Bulletin rapide de droit des affaires

Bull. civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation

C. ass. Code des assurances

C. civ. Code civil

C. com. Code de commerce

C. conso. Code de la consommation

C. trav. Code du travail

CA Cour d’appel

Cass. Cour de cassation

CE Conseil d’État

Ch. Chambre

Civ. Civil(e)

CJUE Cour de justice de l’Union européenne

Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation

Comp. Comparer

Concl. Conclusions

Cons. Const. Conseil Constitutionnel

Contrat conc. consom. Contrat Concurrence Consommation

Crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation

D. Recueil Dalloz

Defrénois Répertoire du Notariat Defrénois

Dir. Direction

Dr. et patr. Droit et patrimoine

Dr. soc. Droit des sociétés

Éd. Édition

Égal. Également

Gaz. Pal. Gazette du Palais

Ibid. Ibidem

Infra Ci-dessous

JCP E La semaine juridique, édition entreprises et affaires

JCP G La semaine juridique, édition générale

JCP N La semaine juridique, édition notariale et immobilière

JORF Journal officiel de la République française

XIV LA PRÉROGATIVE CONTRACTUELLE

LPA Les Petites Affiches

N° Numéro

Not. Notamment

Op. cit. Opere citato

P. Page

Préf. Préface

Posf. Postface

PU Presses universitaires

PUAM Presses universitaires d’Aix-Marseille

PUF Presses universitaires de France

Rappr. Rapprocher

RDC Revue des contrats

Répert. dr. civ. Répertoire de droit civil

Répert. proc. civ. Répertoire de procédure civile

Req. Chambre des requêtes de la Cour de cassation

Rev. Revue

Rev. rech. Jur. Revue de la recherche juridique – droit prospectif

RID comp. Revue internationale de droit comparé

RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires

RLDC Revue Lamy de droit civil

RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial

S. Sirey

Soc. Chambre sociale de la Cour de cassation

Spéc. Spécialement

Supra Ci-dessus

T. Tome

V. Voir

Vol. Volume

intRoduction

1. « C’est ton nom seul qui est mon ennemi […] Qu’y a-t-il dans un nom?

La fleur que nous nommons la rose sentirait tout aussi bon sous un autre nom » 1.

Croyant y voir un ennemi du contrat, le législateur moderne, réformant le droit

des obligations 2 , n’a pas osé donner son nom au mécanisme qu’il consacrait

pourtant en creux : la prérogative contractuelle. Si elle n’apparaît nulle part, elle

se lit en filigrane à de nombreux endroits. Des pouvoirs unilatéraux sont reconnus

aux contractants par le biais de dispositions spécifiques. Résiliation unilatérale,

détermination unilatérale du prix, clause résolutoire, résolution par notifica-

tion… les illustrations ne manquent pas 3. Le législateur, sans la nommer, nous

parle d’elle. C’est encore la prérogative qu’on entrevoit lorsque le législateur

entreprend d’encadrer le déséquilibre significatif que créerait une clause contrac-

tuelle 4. Son nom n’est pas dit mais qui mieux qu’elle est à même d’engendrer un

tel déséquilibre? De ces mécanismes exhale l’effluve de la prérogative contrac-

tuelle sans jamais qu’elle soit désignée. Consacrée comme notion de droit positif

par l’arrêt Les Maréchaux , la prérogative contractuelle a fait une entrée fracas-

sante en droit français qui n’a pas manqué d’être commentée 5. Des colloques lui

ont été dédiés 6. Pourtant, sa consécration laisse un goût d’inachevé car cette

  1. W. Shakespeare, Roméo et Juliette, 1597, Acte II, scène 2.
  2. Ordonnance n° 2016-131 du 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations. Loi n° 2018-287 du 20 avr. 2018 ratifiant l’ordonnance du 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations.
  3. Art. 1211, 1164, 1165, 1226, 1225 C. civ.
  4. Art. 1171 C. civ.
  5. Cass. com. 10 juil. 2007, n° 06-14.768, Les Maréchaux , Bull. civ. IV n° 188 ; D. 2007. 1955, X. Delpech ; F. Rome, « Contrat et bonne foi : l’été sera chaud » (édito), D. 2007. 2017 ; D. 2007. 2764, R. Salomon ; D. 2007. 2839, P. Stoffel-Munck ; D. 2007. 2844, P.-Y. Gautier ; D. 2007. 2972, B. Fauvarque-Cosson ; RTD. civ. 2007. 773, B. Fages ; RDC 2007. 1107, L. Aynès ; RDC 2007. 1110, D. Mazeaud ; Dr. et patr ., sept. 2007, p. 94, P. Stoffel-Munck ; RTD. com. 2007. 786, P. Le Cannu et B. Dondero ; RLDC 2008/46, p. 6, P. Delebecque ; JCP G 2007 Act. n° 340 p. 8, C.Chabas ; JCP G 2007.II.10154, D. Houtcieff ; JCP E 2007. 2394, D. Mainguy et J.-L. Respaud ; Defrénois 30 oct. 2007, n°38667-61, p. 1454, E.Savaux ; Contrats, conc. consom. 2007, n° 294, L. Leveneur ; Bull. Joly Soc. 2007, n° 11, p. 1187, A.Couret. P. Ancel, « Les sanctions du manquement à la bonne foi dans l’exécution du contrat. Retour sur l’arrêt de la Chambre commerciale du 10 juillet 2007 », in Mélanges en l’honneur de D. Tricot , LexisNexis, Dalloz, 2011, p. 61 ; H. Capitant, F. Terré, Y. Lequette, F. Chénedé, Les grands arrêts de la jurisprudence civile , t. 2, Dalloz, 13e^ éd., 2015, n° 164, p. 163.
  6. V. les interventions suivantes : T.Revet, « Propos introductif », in « Les prérogatives contractuelles », RDC 2010. 639 ; D. Fenouillet, « La notion de prérogative contractuelle : instrument de défense contre le solidarisme ou technique d’appréhension de l’unilatéralisme? », RDC 2010. 644 ; P. Delebecque, « Prérogative contractuelle et obligation essentielle », RDC 2010. 681 ; L. Aynès, « Mauvaise foi et prérogative contractuelle », RDC 2010. 687 ; D. Mazeaud, « Les enjeux de la notion de prérogative contractuelle », RDC 2010. 690 ; J.Raynard, « Le domaine des prérogatives contractuelles : variété et développement », RDC 2010. 695 ; F. Chénedé, « Les conditions d’exercice

INTRODUCTION (^3)

premier à bénéficier d’une puissance susceptible de s’imposer, non pas seulement

au peuple comme entité, mais à des individus spécifiés. Elle prend la forme de

prérogatives royales. Le terme apparaît comme catégorie juridique en Angleterre

sous le règne d’Henri III 11. Les « prérogatives absolues » du Souverain octroient,

dans un premier temps, le pouvoir de dispenser de l’application de la loi. Elles

s’imposent, au XIV e^ siècle comme une « réserve d’autorité » ; en d’autres termes

comme « un pouvoir propre, au contenu entièrement indéterminé, exercé en fonc-

tion d’un principe extérieur au droit, donc à la Constitution, et en vue d’accom-

plir une certaine fin » 12. Il s’agit de reconnaître à la plus haute figure de l’État la

capacité d’imposer sa volonté en transgressant les règles de droit positif dans un

but déterminé. À l’origine, la prérogative royale est un pouvoir intimement lié à

l’équité, prise dans son acception objective^13. Le Roi doit pouvoir agir « à discré-

tion, pour le bien commun, et donc passer outre la loi pour promouvoir une plus

grande justice et un plus grand bien »^14. C’est dans l’intérêt de ses sujets et plus

généralement du bien public que le Souverain peut, en cas d’urgence ou de néces-

sité, braver la loi. Par exemple, le droit de grâce permet d’adoucir son application

rigide en suspendant son exécution. Enfreindre les règles de droit par l’exercice de

la prérogative se fait donc à dessein, en supposant la mobilisation d’un intérêt

extérieur, distinct de celui qui la met en œuvre. Pourtant « quand l’erreur ou la

flatterie est venue à prévaloir dans l’esprit faible des Princes, et à les porter à se

servir de leur puissance pour des fins particulières et pour leurs propres intérêts,

non pour le bien public, le peuple a été obligé de déterminer par des lois la

prérogative » 15. Ainsi, le despotisme fait évoluer la prérogative : elle n’est plus un

outil de tempérament des règles de droit positif mais devient, en elle-même, une

règle de droit positif au contenu déterminé.

À l’ère moderne, les prérogatives du souverain se muent en prérogatives de

puissance publique. C’est à Hauriou qu’on doit l’émergence progressive de cette

appellation^16 , d’abord qualifiées de « prérogatives de l’action administrative »^17.

En réalité, « la décision est l’acte typique du droit administratif » 18 ; or « le pou-

voir de décision unilatérale constitue une prérogative de puissance publique

lorsque la décision est obligatoire pour les tiers et peut faire l’objet d’une

  1. V. « Prérogative, C. Combe, in Dictionnaire de la culture juridique, op. cit.
  2. Ibid.
  3. L’équité se définit comme un « un moyen légitime de compléter les règles juridiques ou de corriger l’application particulière d’une règle », toujours « dans la mesure où la nouveauté est conforme à l’esprit du système », V. « Équité », C. Jarrosson et F.-X. Testu , in Dictionnaire de la culture juridique, op. cit. Rappr. J. Locke, Traité du gouvernement civil, Chapitre XIV, «De la prérogative », 1690, trad. D. Mazel, 1795, éd. électr. par J.-M. Tremblay , n° 160, p. 97 : « Le pouvoir d’agir avec discrétion pour le bien public, lorsque les lois n’ont rien prescrit sur de certains cas qui se présentent, ou quand même elles auraient prescrit ce qui doit se faire en ces sortes de cas, mais qu’on ne peut exécuter dans de certaines conjonctures sans nuire fort à l’État : ce pouvoir, dis-je, est ce qu’on appelle prérogative, et il est établi fort judicieusement ».
  4. V. « Prérogative, in Dictionnaire de la culture juridique, op. cit.
  5. J. Locke, Traité du gouvernement civil, op. cit ., n° 162, p. 97.
  6. M. Hauriou, Précis élémentaire de droit administratif , Paris, Sirey, 1925. V. aussi Précis de droit administratif et de droit public, Paris, Sirey, 1933, rééd. Dalloz, prés. P. Delvové et F. Moderne,
  7. En ce sens, N. Chifflot, « Les prérogatives de puissance publique. Une proposition de définition », in La puissance publique , Association française pour la recherche en droit administratif, Travaux de l’AFDA-5, LexisNexis 2012, p. 173.
  8. M. Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public, op. cit ., p. 335 et s.
  9. P. Moor, Droit administratif , Vol. II, Les actes administratifs et leur contrôle , éd. Staempfli & Cie SA Berne, 1991, 1.1.1.2.

4 LA PRÉROGATIVE CONTRACTUELLE

sanction »^19. Contrairement à la période monarchique, la prérogative est préci-

sée : « les privilèges découlant en soi de l’élément d’unilatéralité ont été réduits par

des restrictions de nature juridique qui s’imposent à l’autorité aussi bien au niveau

du contenu que de la forme au profit des administrés »^20. Elle se justifie par la

compétence étatique, garante de l’ordre public et de l’intérêt général et occupe, à

ce titre, un rôle central : la prérogative de puissance publique est le critère princi-

pal du contrat administratif. Il en résulte une variété innombrable. Aux côtés des

prérogatives d’action, qui exigent une décision, existent des prérogatives de pro-

tection, par exemple l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité des biens affectés à la

mission de service public 21. Dans les contrats administratifs, les modifications

unilatérales sont admises par principe^22. Le Conseil d’État a reconnu, dès le

XIXe^ siècle, la résiliation pour motif d’intérêt général^23. Dans les années 1980, il a

affirmé que le pouvoir de modification unilatérale fait partie « des règles géné-

rales applicables aux contrats administratifs » 24. Au surplus, des personnes privées

peuvent être investies de prérogatives de puissance publique, qui devient un critère

de reconnaissance d’une mission de service public 25. Leur diversité et la largesse

de leur champ d’application rendent toutes tentatives de définition infructueuses^26.

Les efforts pour dresser un inventaire exhaustif semblent tout aussi vains^27. « Au

fond, les prérogatives de puissance publique apparaissent encore et toujours

comme la traduction d’un pouvoir mystérieux, un pouvoir revêtant des formes

diverses, manifestant une puissance que l’on dit souveraine et dont certaines per-

sonnes morales, aussi bien publiques que privées, disposeraient de façon privilé-

giée pour la satisfaction d’un intérêt que l’on dit général »^28. Tout au plus peut-on

s’accorder sur certains signes distinctifs. Le principal renvoie à son unilatéralité

qui, en droit administratif, exprime l’ imperium étatique 29. La prérogative de puis-

sance publique est dite « exorbitante » en cela qu’elle est un monopole qui tranche

avec les règles de droit positif applicables à tous les sujets. Selon Hauriou, « le

droit administratif n’est indépendant du droit commun que dans la mesure de la

  1. V. B. Seiller, « Acte administratif : identification », in Répert. de contentieux adm ., Dalloz, juil. 2020, n° 202.
  2. P. Moor, Droit administratif, Vol. II, Les actes administratifs et leur contrôle, op. cit ., 1.1.1.2.
  3. J. Petit, P.-L. Frier, Droit administratif , LGDJ, 13 e^ éd., 2019-2020, n° 46. V. aussi « Prérogatives de puissance publique », in Dictionnaire de droit administratif , A. Van Lang, G. Gondouin, V. Inserguet-Brisset, Sirey, 7 e^ éd., 2015.
  4. Sur le principe de mutabilité en droit administratif, V. P. Chrétien, N. Chifflot et M. Tourbe, Droit administratif, Sirey, 16e^ éd., 2018-2019, n° 587.
  5. C.E., 17 mars 1864, Paul Dupont , D. 1864.III.87. V. L. Richer, F. Lichère, Droit des contrats administratifs , LGDJ, 11 e^ éd., 2019, n° 491 et s. : « liée aux nécessités de fonctionnement du service public », la faculté de résiliation pour motif d’intérêt général ne peut pas faire l’objet d’une renonciation, (V. C.E., 6 mai 1985, Association Eurolat ). Il s’exerce en contrepartie d’une indemnisation.
  6. C.E., 2 févr. 1983, Union des transports public, n° 34027 ; RFDA 1984. 45, F. Llorens s. V. L. Richer, F. Lichère, Droit des contrats administratifs , op. cit., n° 521 et s.
  7. T. confl., 9 déc. 1899, Association syndicale du canal de Gignac ; S. 1900.3.49, M. Hauriou. C.E., 20 déc. 1935, Établissement Vézia ; RD publ. 1936. 119, concl. Latournerie. V. aussi C.E., 31 juil. 1942, Monpeurt ; M. Long, P. Weil, G. Braibant, P. Delvolvé, B. Genevois, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative , Dalloz, 20 e^ éd., 2015, n° 49.
  8. A. Antoine, Prérogatives de puissance publique et droit de la concurrence , préf. S. Bernard, avant-propos B. Stirn, LGDJ, 2009, n° 6 et s., p. 4 et s.
  9. Ibid.
  10. N. Chifflot, « Les prérogatives de puissance publique. Une proposition de définition », op. cit ., p. 176.
  11. N. Chifflot, « Les prérogatives de puissance publique. Une proposition de définition », op. cit ., p. 179.